Recrutement des PLP des disciplines professionnelles
Vincent Troger, formateur à l'IUFM de Versailles,
avait été chargé au printemps 2003,
par le ministère, de rédiger un rapport et de faire des propositions pour
le recrutement et la formation des PLP des disciplines professionnelles. Il vient d'être rendu public et est consultable
sur le site www.ladocumentationfrancaise.fr (in bibliothèque des rapports publics).
En voici un résumé : Les disciplines enseignées sont assez étroitement
liées à la structure des emplois sur le marché du travail, ce qui explique
qu'il existe plus de 100 spécialités. Il en résulte une complexité certaine.
Or, les difficultés de remplacement des générations qui vont partir à la retraite
sont désormais flagrantes.
En ce qui concerne le recrutement, deux questions principales peuvent être identifiées .
° La 1ère est celle que pose le maintien d'un compromis satisfaisant entre le niveau initial de connaissances théoriques exigé des futurs enseignants, et la validité de leur expérience professionnelle, qui détermine la pertinence des compétences et des savoir-faire qu'ils doivent transmettre à leurs élèves. La bonne connaissance du milieu professionnel est aussi un atout important pour la pratique pédagogique de l'enseignant, puisqu'il lui permet, d'une part, d'être convaincant face à un public qui attend en général du LP une forme de rapport au savoir moins scolaire et plus finalisée, et d'autre part, de bien maîtriser la relation aux employeurs.
Dans les professions où les diplômes technologiques supérieurs
du niveau de la licence sont rares ou n'existent pas, il y a eu un tarissement
considérable du vivier de recrutement et un accroissement de la proportion
de professeurs
non titulaires.
A l'inverse, dans les filières professionnelles qui disposent
de diplômes universitaires ou technologiques équivalents ou supérieurs à la
licence, le recrutement massif de jeunes diplômés a été possible.
Mais ces personnels peuvent alors n'avoir que très peu, voire pas du tout,
d'expérience professionnelle, ce qui peut être inquiétant pour la validité
de la formation.
° La seconde question, c'est la relation nécessairement étroite avec l'état
du marché de l'emploi dans chacune des professions considérées. Il y a concurrence
avec des emplois équivalents sur le marché du travail. Dans certaines disciplines,
il y a des difficultés de recrutement liées à la faible attractivité financière
du métier qui peut aussi être aggravée par le peu de visibilité sociale du
métier enseignant.
En ce qui concerne la formation, deux questions centrales se posent : la carte des formations avec une dispersion des formations dont l'efficacité peut être interrogée et l'adaptation des cursus de formation à la diversité des publics.
L'unité et le sens du service public tiennent à sa capacité à offrir à chacun une égale dignité, qui se manifeste en ce qui concerne les PLP par l'égalité des salaires et des conditions de travail. Mais cette égale dignité ne suppose ni l'égalité des diplômes universitaires des enseignants, ni l'uniformité de leurs parcours de formation. Elle suppose au contraire le respect de la particularité de chaque culture professionnelle, tant en ce qui concerne le niveau et la nature des savoirs théoriques exigés qu'en ce qui concerne les modalités de la pratique professionnelle et des didactiques à mettre en oeuvre pour les transmettre.
1. Méthodologie
Elle repose sur :
* des entretiens, avec neufs inspecteurs,
* une vingtaine de formateurs de toutes disciplines et des responsables des
CPC,
* une enquête pour établir les profils professionnels et
les cursus de formation des étudiants et des professeurs stagiaires
inscrits en 2002-2003, des statistiques de la DPD et de la
DPE.
L'identification précise des effectifs de PLP et de la répartition des tranches
d'âge au sein de ces effectifs se heurte à un problème complexe de nomenclature.
Les dénominations utilisées pour désigner les disciplines enseignées ont été
bouleversés, par les créations, les fermetures ou les modifications de disciplines.
La nomenclature en 4 chiffres élaborée en 1991 a ainsi accumulé des dénominations
dont certaines sont obsolètes tandis
que d'autres correspondent à des spécialités fines pour lesquelles il n'existe
pas de postes identifiés nationalement mais une indication d'option utilisée
localement. Il est actuellement très délicat de produire cette information
à l'échelle nationale
avec un degré de précision satisfaisant.
2. Les pyramides des âges des PLP :La nécessité de raisonner par discipline
La pyramide des âges de l'ensemble des PLP présente un assez net déséquilibre en faveur des personnels les plus âgés. Entre 51 et 57 ans, chaque tranche d'âge a un effectif en moyenne supérieur à 1 200 enseignants, alors que dans les tranches d'âge inférieures les effectifs ne dépassent que rarement 1 000 unités.
Pour rendre compte objectivement de la réalité de la distribution des âges parmi le stock actuel des PLP, il convient en fait d'examiner les pyramides des âges de chaque discipline. Ont été tenus à l'écart de cette analyse les spécialités dont les effectifs sont inférieurs à 100 enseignants : les sections ou options de sections à faibles effectifs (presque une centaine) mais elles ne regroupent que 1700 enseignants, soit 4 % des 41 000 PLP des disciplines professionnelles. Parmi les 33 sections ou options de section retenues pour cette typologie, qui regroupent 96 % des PLP, on peut schématiquement isoler deux catégories. La première est celle de professeurs de plus de cinquante ans pouvant dans certains cas représenter plus de la moitié des effectifs. La seconde est celle dont les effectifs sont plus jeunes, mais qui recrutent de plus en plus majoritairement des jeunes directement issus de l'enseignement supérieur qui manquent d'expérience dans la profession enseignée.
3. Les disciplines à fort vieillissement
3.1 Les disciplines en situation d'urgence
La limite supérieure choisie pour définir ce groupe a été
de 45 % d'enseignants de plus de 50 ans. Il est constitué de 11 disciplines
regroupant 9 750 enseignants titulaires, soit presque le quart des PLP des
disciplines professionnelles (23,7 %). L'une des causes principales du vieillissement
de ces disciplines semble résider dans la difficulté à trouver des candidats.
Dans cinq de ces disciplines l'ensemble des postes n'ont pas été pourvus en
2002,
les ratios candidats admis/ postes allant de 37 % à 77 %.
Lorsque les candidats potentiels sont des professionnels expérimentés, ils perçoivent généralement dans leurs métiers d'origine des rémunérations de niveau égal ou supérieur à des enseignants en milieu de carrière. Le déplacement vers les IUFM décourage nombre de candidats potentiels.
Dans les sections ou options où il existe des licences ou
des diplômes de niveau équivalent, deux cas de figures existent : ces diplômes
peuvent être rares et peu de candidats potentiels, les titulaires de ces diplômes
préfèrent
° Elargir le champ d'application des cycles préparatoires
Ces cycles existent actuellement dans 7 des 11 disciplines identifiées dans le tableau 1. Il paraît logique d'étendre rapidement ces dispositifs à au moins 2 autres disciplines très déficitaires : les options «productique» et «MSMA» de la section Génie mécanique. Il conviendrait également d'envisager la possibilité d'élargir l'accès à ces CP aux titulaires d'un diplôme de niveau 4 ayant une expérience professionnelle de 5 ans dans toutes les disciplines déficitaires et non uniquement dans celles pour lesquelles il n'existe pas de BTS.
° Utiliser la VAP ou la VAE
En accord avec les régions, les services rectoraux pourraient mener des campagnes
d'information ciblées sur les publics de professionnels constituant le vivier
potentiel de recrutement de PLP et mettre en place des dispositifs d'aide
à la réalisation
de dossiers de VAP ou de VAE leur permettant d'acquérir les diplômes nécessaires
à l'inscription aux concours d'enseignement. Il conviendrait d'examiner la
possibilité que dans le cadre de tels dispositifs, l'aide à la réalisation
de dossier
de VAP ou de VAE soit associée à une contractualisation engageant les bénéficiaires
à présenter le CAPLP et, en cas de réussite au concours, à exercer un certain
nombre d'années comme PLP. Dans le cadre des CP, l'obligation d'exercer
un certain nombre d'années exclusivement en tant que PLP doit aussi être examinée.
° Jouer sur les barèmes d'entrée en
IUFM L'ancienneté dans une profession pourrait être affectée d'un barème favorable
pour l'entrée en 1ère année d'IUFM.
° Mieux recruter les contractuels
Les rectorats sont incapables d'anticiper les disponibilités
de postes proposés aux contractuels avant le congés d'été. Certains candidats
issus des milieux professionnels renoncent ainsi à des propositions.
° Rééquilibrer les épreuves des concours
Dans certaines disciplines, la répartition des épreuves du
concours entre épreuves d'admission et épreuves d'admissibilité est déséquilibrée
en faveur des épreuves favorisant les connaissances les plus
théoriques, ou les connaissances théoriques les moins accessibles aux candidats
ayant une longue expérience professionnelle mais peu de diplômes. Il conviendrait
donc que les épreuves les plus proches de la pratique professionnelle jouent
un rôle dès l'admissibilité.
° Améliorer les conditions de reclassement
Les règles apparaissent complexes, suffisamment floues pour autoriser des
interprétations diverses selon les rectorats et globalement inadaptées aux
situations des PLP. Il semble donc urgent de mener une réflexion sur la clarification
des critères
de reclassement et sur une amélioration de la prise en compte des années d'exercice
d'une profession.
° Atténuer les effets de l'éloignement pendant la formation, faciliter
les retours dans les académies d'origine
Les IUFM d'accueil pourraient prendre contact avec des organismes
susceptibles de présenter aux stagiaires des listes de logements à des tarifs
accessibles. Il conviendrait d'envisager la possibilité de réduire le temps
de présence des étudiants, des élèves-professeurs et des stagiaires en ayant
recours, d'une part, aux nouvelles technologies d'enseignement à distance,
lorsque le CNED n'offre pas d'enseignements répondant aux besoins spécifiques
de formation des PLP, et d'autre part, pour les stagiaires, à l'organisation
des stages en entreprises dans la région de domicile du stagiaire. Il serait
intéressant d'explorer la piste d'un partenariat avec les régions, étant co-responsables
de l'organisation et de la gestion de la formation professionnelle initiale
avec les rectorats. Cette éventualité pose cependant la question d'une possibilité
de garantie de titularisation des nouveaux professeurs dans leur académie
d'origine. 2 critères pourraient être affectés de barèmes plus favorables,
dans le cas des disciplines déficitaires et à titre provisoire : le nombre
d'enfants et l'ancienneté de l'expérience professionnelle.
° Mettre en oeuvre des campagnes d'information ciblées
Il serait sans doute pertinent de tenter de toucher des publics bien identifiés
de la manière la plus personnalisée possible : techniques de mailing, invitations
à des réunions d'information, à l'agence pour l'emploi des cadres, contacts
avec les organismes professionnels ou les entreprises habitués à collaborer
avec l'enseignement professionnel public.
3.2 Les disciplines à vieillissement significatif.
Elles touchent entre 45 % et 35 % de PLP de plus de 50 ans, numériquement dominés par une section tertiaire : Communication-bureautique. L'ouverture de CP dans ces disciplines, compte tenu du coût de ces dispositifs, est prématurée. Toutes les autres propositions émises précédemment demeurent valides. En ce qui concerne la section CAB, le vieillissement semblerait essentiellement tenir à l'âge d'entrée dans la profession enseignante, qui serait demeuré élevé sans que ce soit un signe de tarissement du vivier. La question du positionnement respectif des 2 filières, PLP-CAPET est posée, et les réflexions à ce sujet sont en cours. Il serait souhaitable que lorsque les conditions du repositionnement des 2 filières seront connues, les épreuves du concours de PLP soit redéfinies et permettent de cibler un public suffisamment distinct de celui des CAPET.
4. Les disciplines à fort taux de diplômés de l'enseignement supérieur.
Le rajeunissement ne doit pas masquer la permanence des difficultés
de recrutement en Génie mécanique et électrotechnique. Dans ces 2 disciplines,
le ratio candidats présents/ postes était faible en 2002, de 2 ou de 3, c'est-à-dire
d'un niveau comparable aux disciplines à fort vieillissement identifiées dans
le premier groupe. Une double conclusion s'impose donc. D'une part, il serait
absurde de prétendre réduire le recrutement de jeunes diplômés, d'autant que
le niveau de technicité des professions correspondantes s'est nettement élevé
ces dernières années. Mais d'autre part, et malgré ce recours aux jeunes diplômés,
les difficultés de recrutement semblent persister. En outre, le recrutement
parmi les diplômés de l'université induit ce que l'on pourrait appeler un
effet pervers. Dans 2 des IUFM où ce mode de recrutement est systématisé,
sur la base de relations partenariales avec une université, on observe en
effet que tous les étudiants et les professeurs stagiaires qui ont suivi ce
cursus sont domiciliés dans l'académie, et même dans les départements les
plus proches de l'implantation de l'université.
Les propositions concernant l'atténuation des effets de l'éloignement pendant
la formation, le reclassement des professionnels, les rééquilibrage des concours
et l'information du public permettraient de favoriser l'élargissement du vivier
de recrutement en direction des professionnels en exercice sans nuire au recrutement
des jeunes diplômés.
5. Les formations : diminution de la dispersion des sites et modulation des cursus.
5.1 La carte des formations
20 IUFM métropolitains proposent au moins une formation de
PLP. Cette dispersion géographique induit des effets pervers. Le premier est
l'accroissement de la concurrence des CAPET. En effet, dans la plupart des
IUFM qui propose des formations de PLP et de CAPET, en liaison avec des universités,
les logiques universitaires conduisent à privilégier les préparations du CAPET,
dont les exigences sont plus proches des études universitaires que celles
du CAPLP. Le second tient à la place nécessairement marginale que des formations
à très petits effectifs sont susceptibles d'occuper dans un IUFM. Les IUFM,
qui reçoivent des effectifs parfois très lourds de PE et de PLC, tendent à
rechercher des économies d'échelle : lorsque les effectifs sont trop faibles,
les équipes de formateurs ne sont pas en mesure de négocier avec les directions
des IUFM des conditions de travail de qualité et de faire reconnaître leurs
spécificités. Il paraît donc indispensable de repenser la carte des formations
afin d'en éliminer les sites à trop faibles effectifs et favoriser des centres
dont les effectifs soient suffisants pour autoriser une organisation performante
des formations de PLP. L'effectif plancher se situe à 20 étudiants et 20 stagiaires
par spécialité. En deçà de ce seuil, une seule implantation nationale de la
spécialité concernée paraît s'imposer. Dans les disciplines qui nécessitent
des équipements techniques coûteux, il paraît indispensable de rechercher
le regroupement d'options d'une même section ou de disciplines voisines.
5.2 Assouplir l'organisation de la formation des professeurs
stagiaires.
Les propositions sont : Moduler la durée du stage en entreprise selon
le niveau d'expérience professionnel de chaque stagiaire. Certains n'ont plus
vraiment besoin d'un stage en entreprise, sauf s'il s'agit de se former à
l'utilisation d'un matériel spécifique. A l'inverse, les stagiaires qui n'ont
que très peu d'expérience auraient besoin de 2 à 3 mois de stages, parfois
dans 2 entreprises différentes, et en situation de responsabilité professionnelle.
Adapter le stage au profil des candidats. A Créteil par exemple, les stagiaires
expérimentés consacrent leurs stages en entreprises soit à la réalisation
d'outils didactiques à partir du travail dans l'entreprise, soit dans des
entreprises qui fabriquent du matériel didactique. Les stagiaires peu expérimentés
effectuent leurs stages dans des entreprises où ils sont mis en situation
normale de travail. Permettre aux stagiaires peu expérimentés
d'orienter leurs mémoires professionnels vers une réflexion sur les acquis
didactiques du stage en entreprise.
Conclusion
Il y a une diversité des situations disciplinaires. Elle confirme qu'on ne
peut pas appliquer à la formation professionnelle initiale les mêmes logiques
de standardisation que celles qu'on applique à la formation générale. L'obstacle
oblige à admettre la complexité, et on peut lui reprocher du même coup d'être
excessivement onéreux. Deux arguments forts contredisent pourtant ce point
de vue : tous les pays européens connaissent aujourd'hui des difficultés de
recrutement de professeurs ou de formateurs pour la formation professionnelle
initiale, et le constat de la compétence capitalisée par l'enseignement professionnel
en matière de pédagogie de la formation professionnelle initiale. Les IUFM
s'étant pour la plupart dotés d'observatoires des formations, il serait essentiel
qu'une partie des travaux de ces observatoires soient systématiquement consacrés
aux étudiants qui préparent les CAPLP et aux PLP stagiaires, et que les informations
recueillies fassent régulièrement l'objet de synthèses au niveau national.
L'avis du Sgen-CFDT
Vincent Troger a éprouvé des difficultés particulières :
un délai relativement
faciliter les conditions de formation, améliorer les conditions de reclassement.
Nous ne pouvons qu'y souscrire mais tout dépendra des moyens mis en oeuvre
surtout pour les CP, la VAE et les reclassement. Certaines propositions auront
des effets très limités : les barèmes favorables aux professionnels pour l'entrée
en IUFM seront bloqués par la carte des formations modifiée et réduite, des
conditions de recrutement meilleures pour les contractuels se heurteront aux
principes de réalité des rectorats, des barèmes favorables pour revenir dans
l'académie d'origine resteront bloqués par les soldes.
On constate au passage que la pérennisation de l'embauche des contractuelles
est bien actée.
D'autres propositions sont plus douteuses : la possibilité juridique d'engagements
décenaux exclusivement en tant que PLP, une contractualisation des étudiants
les engageant à se présenter au CAPLP et à exercer un certain nombre d'années
comme PLP.
La proposition nouvelle est de se tourner vers... la région. L'argument mis
en avant est sa co-responsabilité dans l'organisation et la gestion de la
formation professionnelle.
Les régions «participeraient contractuellement à l'effort en faveur des futurs
PLP» mais le rapport pointe la contradiction avec les règles du statut national.
Faut-il y voir un banc d'essai d'un statut d'enseignant régional ? La collaboration
avec la région est aussi souhaitée pour des campagnes d'information ciblées...
Parmi les autres observations, on voit en arrière plan le Lycée des métiers
promu pour des postes fléchés «stagiaires», ce qui confirme le principe de
lycées à deux vitesses. La concurrence avec le CAPET est pointée négativement
et il est fait référence à la réflexion en cours sur le positionnement des
deux filières.
Au final, le rapport montre ses limites et souligne les
difficultés à mettre en application des propositions qui pourraient être coûteuses,
mais qui en fin de compte bénéficieraient tout de même à l'ensemble de la
nation.