La méthode globale vous dis-je !
Le JT de
20h de France 2 du 15 novembre a consacré de longues minutes à un éloge de
Rachel Boutonnet et de sa promotion des méthodes d'il y a cinquante ans pour
enseigner la lecture. Cette violente critique de la pédagogie « officielle » se
termine par l'affirmation que 30 % des élèves ne savent pas lire en entrant en
sixième.
Après
l'éloge, il y a quelques semaines, de J.P. Brighelli auteur d'un autre ouvrage
caricatural, France 2 continue son entreprise de sape et de désinformation...
avec la meilleure conscience du monde.
Destinataire
de nombreux courriers de protestation, le médiateur de la chaîne a en effet
préféré traiter le sujet à la légère : aucun travail d'analyse aussi bien
des commentaires des journalistes que du choix des propos recueillis. Un
militant du Sgen-CFDT a choisi d'exprimer son indignation devant tant de
mauvaise foi.
Enseignant
depuis 25 ans auprès d'enfants en difficultés d'apprentissage de la lecture, je
suis ahuri par la publicité tapageuse faite au tour de Rachel Boutonnet et de
ses pseudo résultats obtenus en lecture avec ses méthodes d'il y a cinquante
ans.
Je suis
encore plus ahuri par l'affirmation de la fin du reportage : il y aurait 30%
d'enfants qui ne saurait pas lire à l'entrée du collège. Mais où vos
journalistes sont-ils(elles) allé(e)s pêcher de telles inepties!
Aucun rapport, même des
plus récents ne cite ces chiffres (voir site du ministère). C'est de la
désinformation pure et simple. Aucune source n'est donnée, aucune preuve des
résultats obtenus par R.Boutonnet n'est avancée. Des affirmations sont assénées
sans contrepartie critique.
Cette
façon caricaturale de présenter la vie de l'école et de ses acteurs n'est pas
digne d'une chaîne qui se veut d’« information » et jette le doute
sur la qualité de ses autres reportages.
J'avais un certain
respect jusqu'à présent pour France 2, chaîne du service public. Ce n'est plus
le cas.
Cordialement, J.C.
Robineau
Les
organisations syndicales corporatistes (en particulier du second degré) n'ont
jamais cessé de combattre les IUFM considérant tout à la fois que la seule
formation utile s'exerce sur le terrain et que les sciences de l'éducation et
les théories pédagogiques ne sont que « foutaises ». Il y a enfin les
faux témoins dont les exagérations font les choux-gras des éditeurs. Parmi ces
derniers, il y a une enseignante du premier degré de l’académie de Créteil:
Rachel Boutonnet. Elle s'est investie d'une mission : bouter la méthode globale
hors de France. Prophète des méthodes de lecture d'il y a 50 ans, elle ne
recule devant aucune contre vérité, se présente comme victime et n'hésite pas à
dénigrer les pratiques pédagogiques en vigueur et les enseignants qui les
adoptent. Ce credo plait et l'on a pu voir récemment sur une chaîne publique un
parent d'élève et des enseignants vanter l'efficacité de cette nouvelle Jeanne
d'Arc.
L’air du
temps
De telles
prétentions prêteraient à sourire si elles n'étaient pas instrumentalisées par
des responsables politiques sans vergogne (ministres et députés) et si elles ne
s'inscrivaient pas dans un courant continu de mise en cause outrancière de
l'école publique... à des fins de retour en arrière ! Ce courant bénéficie
d'une audience imputable en partie à la complaisance des médias (un pamphlet
est plus lisible qu'un traité de pédagogie) mais aussi au cheminement de points
de vue sommaires et d'idées réactionnaires y compris dans des milieux qui
semblaient pourtant les mieux vaccinés contre ce genre de sornettes. C'est
ainsi qu'on découvre, dans des proses ultra radicales, que les réformes de
l'Éducation nationale depuis 30 ans seraient la cause de la détérioration du
service public; ou encore que certaines méthodes pédagogiques et éducatives
auraient à voir avec la montée du libéralisme; il y a quelques mois c'est
l'idée de socle commun qui a été soupçonnée de n'être qu'un paravent pour
réduire les exigences culturelles et... satisfaire ainsi le patronat. Pas
étonnant que, dans ces conditions, les traditionnelles récriminations contre le
niveau qui baisse, l'orthographe qui se détériore, le laxisme d'une époque
décadente, la perte du goût de l'effort... retrouvent une nouvelle vigueur.
Douce
France...
Ce sont là
autant de thèmes avec une arrière pensée conservatrice, protectionniste, de
repli sur des valeurs anciennes en période de crise. Ne pas réagir aux
mensonges, aux exagérations, aux fadaises alors qu'ils se répandent n'est plus
de mise même si réagir comporte aussi des inconvénients :
- la presse
(comme les enseignants d'ailleurs) ne supporte guère la mise en question de sa
probité et sait faire payer aux impudents leurs critiques ;
-
décortiquer les pseudo témoignages, dévoiler les supercheries, montrer les
procédés mensongers demande beaucoup de temps et risque d'être moins bien perçu
que les pamphlets et réquisitoires mensongers eux-mêmes ;
- réagir à
des écrits insignifiants à long terme c'est attirer l'attention sur eux et leur
donner un peu plus d'audience... même s'ils n'en manquent pas ;
- quant aux
contradictions de certains discours radicaux, qui a envie de les voir alors
qu'ils bénéficient d'un réel engouement'?
Réagir n'est donc pas sans danger
mais se taire n'est plus supportable quand le ministre de l'Éducation nationale
lui-même étale à l'Assemblée nationale son cynisme suffisant en abondant dans
le sens des Diafoirus de l'apprentissage de la lecture.